La présence tricolore unique au Masters de Londres symbolise à quel point le tennis français n’a pas brillé cette saison. Hormis Tsonga, les résultats sont décevants pour nos Bleus, à l’instar de Gaël Monfils ou Mickaël Llodra. La jeune génération n’a pas encore pris la relève. Pourquoi un tel écart avec les meilleurs au monde? Analyse.
C’est désormais officiel. Tsonga participera bel et bien au Masters, dernière compétition individuelle de l’année qui rassemble les huit meilleurs joueurs de l’année. Et ce, pour la deuxième fois seulement de sa carrière, après une première en 2008. Cela vient récompenser une deuxième partie de saison remarquable du Français, qui a su gérer son calendrier parfaitement, de manière à glaner des points importants tout en conservant de la fraîcheur pour les tournois du Grand Chelem. Au final, le Manceau se présentera à Londres avec une demi-finale de Wimbledon, un quart de finale à l’US Open, deux trophées en poche (voire plus s’il parvient à remporter le Masters 1000 de Paris-Bercy) et des victoires de prestige contre Nadal ou bien encore Federer. Isolé en début de saison, Jo est revenu dans la course aux forceps, grâce à une soif de victoires impossible à étancher. Et sera le seul représentant français au Masters, qui ne sourit plus autant aux Français qu’auparavant, puisque 13 fois les Françaisy allés, mais jamais un seul n’a pu triompher.
Derrière Tsonga, les autres Français ont tendance à tirer la langue. Par manque de constance, les Bleus ne peuvent pas prétendre à une place immuable dans le top 10 et par conséquent, leur billet pour le Masters de fin d’année est souvent trop compliqué à atteindre. Cette année encore, Gaël Monfils, Gilles Simon n’ont guère brillé, dans les Grand Chelem mais aussi dans les tournois plus abordables. Et même si au final, les trois compères de l’équipe de France ont ramené 5 trophées, soit 3 de mieux que l’an passé, ils n’ont pas impressionné pendant les moments majeurs de la saison. Et cela pose légitimement la compétitivité du tennis tricolore. On le sait, depuis l’époque des Noah, Leconte ou encore Forget, les titres se sont taris dans l’Hexagone. Mais la génération d’aujourd’hui a du talent. Pourquoi n’arrive-t-elle pas à le mettre à profit ?
Première constatation, c’est le manque criant de régularité des joueurs français. Or, celle-ci est indispensable pour accéder au plus haut niveau. Empiler tournois sur tournois ne permet pas de rentrer dans le top 5. Ce qu’il faut, c’est une accession habituelle dans le dernier carré, dans tous les tournois. L’exemple de Roger Federer n’est pas anodin. Le Suisse détient le record de 23 demi-finales consécutives dans les tournois du Grand Chelem. Une statistique proprement hallucinante, qui explique d’autant mieux sa domination sans partage sur le tennis mondial de 2004 à 2008, avant que Nadal n’arrive sur la plus haute marche du podium.
Pour nos «Frenchies», les chiffres sont diamétralement opposés. Hormis Roland-Garros qui lui réussit globalement bien, Monfils peine dans les GC. Même constatation pour les Masters 1000, puisque le Français restait sur deux finales consécutives à Paris-Bercy, pour un bilan beaucoup moins flatteur dans les autres.
Deuxième observation, les Français ont bien souvent du mal à être performant sur toutes les surfaces. Chacun a sa surface de prédilection, et a bien du mal à reproduire son jeu lorsqu’il s’agit de disputer une rencontre sur une surface différente. Monfils performe plus sur terre battue, qui convient il est vrai parfaitement à son jeu plutôt défensif. Tsonga, de par sa vivacité, est plus à l’aise sur dur, en indoor, mais aussi sur gazon. Le Manceau est indéniablement plus complet dans son bagage technique. Llodra est plus à l’aise sur surface rapide, qui favorise son incessant jeu de service-volée. Hormis Tsonga, aucun n’arrive réellement à parfaitement s’adapter à toutes les surfaces. Même s’il faut préciser que Tsonga est un peu moins à l’aise sur terre battue…
On constate également que lorsque la concurrence devient plus rude, les Français déclinent. Comme s’ils partaient battu d’avance. Pourtant, l’exploit est toujours possible. Que ce soit Monfils, Simon, Tsonga ou Llodra, chacun a son match référence, où il a battu ou tout du moins accroché un «gros». Ils doivent donc s’appuyer sur ces matchs, acquérir et cultiver une volonté de gagnant, de battant. Les Bleus doivent aussi apprendre à mieux gérer leurs matchs, ce qui induit une préparation d’avant-match intelligente, pas seulement physique et technique, mais aussi psychologique. Dans le tennis, on le répète souvent, le mental est indispensable pour tout joueur qui vise le succès. Certains Français ne parviennent pas encore à le contrôler et le maitriser.
La nouvelle génération tarde à éclore. Josselin Ouanna, héros de Roland-Garros il y a 2 ans déjà, après sa victoire sensationnelle contre Marat Safin, est redescendu dans l’anonymat le plus complet. Guillaume Rufin, Gianni Mina, autant de noms qui reflétaient l’avenir du tennis tricolore. Mais les espoirs sont pour l’heure douchés par des contre-performances multiples. Certes, ils sont encore jeunes, mais le temps presse pour eux, s’ils souhaitent évoluer dans les plus hautes sphères.
Il existe aussi sans doute, outre la mentalité pas encore assez tournée vers la victoire finale, un problème d’encadrement de ces jeunes pousses. Dès leur plus jeune âge, il est indispensable qu’on les protège de la pression négative, qu’on les suive attentivement. La FFT a forcément un rôle à jouer pour former de futurs talents, qui régaleront les publics du monde entier.
Jérôme COLLIN